Conseil pour la conservation des monuments funéraires
Il faut toujours avoir à l’esprit qu’un monument funéraire, beau ou laid, grand ou petit, est constitué de matériaux, et que, conservé à l’extérieur, il est soumis aux variations du climat, qui, du fait de la pollution acide, peut s’avérer très nocif, surtout dans les villes
Les Matériaux
Les calcaires et les marbres se font attaquer par les acides et les bases fortes. Poreux, ils permettent les migrations de sels en solution dans l’eau. Ces sels peuvent se concentrer dans les pores et faire éclater les surfaces, ou cristalliser dehors et former brunissements et croûtes noires.
Les granits et les basaltes résistent en général mieux aux acides et aux bases ; peu poreux, ils laissent moins passer les sels en solution.
Les fontes et les fers forgés résistent très mal aux pollutions, aux produits à base de soufre, de chlore et de sodium etc.
Les bronzes sont surtout attaqués par les produits chlorés
Sur tous ces matériaux, il convient de ne pas laisser se développer la végétation ; les mousses, les champignons, les algues vivent en général en symbiose avec les bactéries dont les excréments sont acides. Cette microflore et cette micro faune entretiennent l’humidité, ce qui est grave en milieu pollué.
Les minéraux
Pour désinfecter, l’eau de Javel est fortement déconseillée. Il existe dans le commerce des désinfectants neutres chimiquement, à base d’ammonium quaternaire, qui, dilués à l’eau, sont efficaces. Il faut rincer à grande eau quelques jours après l’application.
N’utilisez pas d’hydro-nettoyeur d’une puissance supérieure à 70 bars sur les calcaires, car ceux-ci se désagrègent.
Les croûtes noires peuvent se dissoudre dans un brouillard d’eau nébulisée ou avec des compresses d’argile, de pulpe de papier imprégnées d’une solution de carbonate d’ammonium ou de sels complexants. D’autres procédés peuvent être employés par des restaurateurs professionnels qualifiés.
Le ravalement traditionnel, par enlèvement de matière originale, est à proscrire, quelque soit l’outil utilisé. Le matériau est fragilisé par la disparition de son calcin. Trahie, l’œuvre d’art a des proportions amaigries, jusqu’à se réduire parfois à un moignon.
Le sablage à sec ou à l’eau est à éviter. N’utilisez jamais de brosse métallique.
Les scellements, jointoiements et ragréages ne doivent jamais être réalisés au plâtre ni au ciment ordinaire ou métallique mais à la chaux grasse.
Les fontes et les fers forgés
Si les grilles anciennes, constituées de fer assez pur, résistaient bien à l’air du temps, le fer moderne, industriel depuis 1860, riche en carbone et en soufre s’oxyde en profondeur très rapidement ; il ne peut se conserver que traité et peint, comme la fonte.
Ne jamais recouvrir la rouille de peinture, mais l’enlever d’abord (sablage à sec ou hydrosablage) puis passiver l’oxydation avec une solution d’acide phosphorique (attention aux calcaires !) Rincer abondamment à l’eau distillée, sécher vite puis passer trois couches de « vrai » minium de plomb et peindre à l’huile de lin.
La statuaire en fonte doit aussi être traitée à l’intérieur, dans le creux. Dans les minéraux, sceller les fers au plomb fondu, écraser ensuite au marteau pour limiter la pénétration de l’eau. Ne nettoyez jamais à l’eau de Javel.
Les bronzes
Ce sont des alliages de cuivre et d’étain. A l’origine, ils recevaient le plus souvent une patine blonde, ou brune, parfois vert foncé quand ils n’étaient pas dorés !
Le vert bleuté que nous voyons aujourd’hui est une altération du bronze, attaqué par des sels chlorés ou des gaz polluants. Le nettoyage peut se faire à l’eau distillée avec quelques gouttes de détergent non chloré et non ionique, avec une brosse douce genre nylon. Après séchage total, on peut protéger l’œuvre avec de la cire microcristalline (cosmolloid). Ne jamais utiliser d’abrasif, ni d’eau de Javel : ce n’est pas la peine de désinfecter, rien ne vit sur le bronze.
Plutôt que faire de la chimie sans le savoir, le mieux est de faire appel à un restaurateur spécialiste des métaux.
Les meilleures fixations du bronze se font avec du bronze ou du laiton, scellés dans les minéraux au plomb fondu, écrasé ensuite pour limiter la pénétration de l’eau.
Laisser s’aérer les creux sans que l’humidité pénètre. Ne jointoyez pas les bronzes en partie basse.
Longue vie à nos monuments funéraires !
Hugues de Bazelaire